Master of Couture – Azzedine Alaïa
Azzedine Alaïa, robe bustier, couture Automne-hiver 2003 ph. Patrick Demarchelier
Azzedine Alaïa se voulait sculpteur. Formé à l’École des Beaux-Arts de Tunis où il est né (1934), Alaïa se révèle virtuose dans l’apprentissage de la couture qu’il exerce en périphérie pour subvenir aux besoins et aux coûts de ses études. Bercé par les rêves d’une industrie de la mode française que dominent encore Christian Dior et Cristóbal Balenciaga, le jeune Azzedine s’aventure à Paris en 1956 et s’y installe. Doué pour les métiers de la couture qu’il a assimilé en autodidacte éclairé, Alaïa a reçu des femmes sa véritable formation. Couturier en chambre il est une référence pour les clientes avides d’élégance, de distinction et de discrétion. Pendant près de 20 ans il va recevoir à demeure une clientèle fidèle, anonyme ou notoire qui va lui enseigner l’académie des corps et les triomphes que l’apparence peut gagner sur eux. Arletty, Louise de Vilmorin et Greta Garbo, parmi les plus célèbres de l’époque affluent dans son atelier modeste.
Encouragé par le créateur et ami Thierry Mugler pour qui il réalise à l’occasion les pièces maîtresses de son défilé, Azzedine devient Alaïa à la fin des années 1970. A contre-courant de tous il inaugure un prêt-à-porter de luxe qui cultive le souvenir d’une haute couture hollywoodienne glamour en diable. Ce sont les Américains qui reconnaissent en lui le pionnier d’une silhouette typique de la décennie. « He shapped the 1980’s ». Rue de Bellechasse, rue de Port Royal puis rue de la Verrerie à partir de 1987, Azzedine Alaïa se révèle maître dans la coupe des cuirs qu’il domine, le façonnage des mousselines ou le traitement des mailles fluides et libératoires.
Jusqu’aux années 2000, de collections en collections, Azzedine Alaïa énumère le répertoire stylistique qui est le sien : body, caleçon moulant, robes bandelettes ou patineuses, manteaux redingotes et tailleurs stricts. Inspiré des grandes heures de la couture des années 1930 et des années 1950, il convertit des formes dans des matériaux nouveaux où son art de la coupe sert le corps davantage qu’il ne le préempte. A partir du printemps été 2003, sa maîtrise des méthodes et des techniques de la coupe et du montage est telle qu’elle conduit son œuvre vers plus d’abstraction encore. La recherche d’une ligne et d’une couture invisibles parce que gouvernées par des années de pratique suggèrent des modèles de créations véritablement hors du temps. Toute sa vie durant, inflexible et obstiné, Azzedine Alaïa s’est plu à rivaliser avec les maîtres de la coupe qu’il admirait et collectionnait.
Sculpteur il le fut, cela va sans dire, ses épingles et ses ciseaux firent office de couteaux et de maillets. Couturier, tel que l’histoire de la mode l’exige et le reconnait, il fut le dernier et le plus grand de son temps.
Azzedine Alaïa, Master of Couture, première exposition présentée à Stockholm et en Suède réunit plus de quarante modèles originaux et haute couture situés entre 1981 et 2017. Dans une scénographie volontairement dépouillée qui laisse s’épanouir les œuvres et rend grâce à la poésie des lieux, les robes et les ensembles du soir, les manteaux et les tailleurs de jour imposent la noblesse de leurs formes grâce aux mannequins aériens que le couturier Azzedine Alaïa avait conçu lui-même.
L’exposition est conçue et réalisée par la Fondation Azzedine Alaïa.