adrian et alaïa, l'art du tailleur
J'ai un projet d'exposition sur Adrian qui est étroitement lié au début de ma collection. Je veux m'en occuper et faire un livre et une exposition. Azzedine Alaïa
adrian et alaïa l'art du tailleur ph. Stéphane Aït Ouarab
Organisée par l’Association Azzedine Alaïa sous la direction d’Olivier Saillard, cette exposition montre comment le goût pour l’élégance intemporelle, la quête d’un style avant celle de la mode, l’exigence de la coupe, peuvent se transmettre entre deux grands couturiers que les décennies et les continents séparent.
À travers le prisme des tailleurs dont tous deux partagent l’excellence, l’exposition montre à quel point la conception et la construction des vestes unissaient ces deux grands de la mode.
ADRIAN ET ALAÏA L'ART DU TAILLEUR - VIDÉO SYLVIE DELPECH
Les choix des tissus, la recherche des formes, la finesse des détails sont des traits d’union entre eux. Dans les modèles de l’un, on peut lire le secret héritage de l’autre, de la main d’un maître à celle de l’autre comme seuls les plus talentueux et les plus exigeants peuvent le faire. Présentés sous la forme d’un dialogue entre les vêtements créés au cours de leurs carrières respectives, deux grands couturiers partagent un discours unique sur le tissu et la coupe.
Gilbert Adrian, plus simplement connu comme Adrian tout au long de sa carrière, était le directeur des costumes à la MGM à Hollywood pendant “l’âge d’or” du cinéma des années 1930. Son travail devint synonyme du glamour hollywoodien sur grand écran. Le talent d’Adrian variait, de la garde-robe de femme fatale de Jean Harlow dans “Les invités de 8 heures”, aux costumes du “Magicien d’Oz”, ou encore à l’incroyable garde-robe de toutes les actrices du film “Femmes” en 1939.
Ses créations étaient si recherchées que dans les années 1940, Adrian quitta Hollywood pour fonder sa maison de couture à New-York, où ses tailleurs structurés, portés par Katherine Hepburn, Greta Garbo et Joan Crawford, seront précurseurs de la mode américaine des années 1940 et 1950.
Arrivé à Paris dans les années 1950 et malgré des moyens financiers modestes dus à son jeune âge, Azzedine Alaïa avait toujours l’œil pour dénicher les pièces rares. Il commença à collectionner des objets d’art, de design et de mode tout en créant ses collections. Alors qu’il avait à peine vingt ans, il acheta dans un petit magasin une exceptionnelle statuette ancienne représentant une tête copte. C’est seulement plus tard qu’il découvrit que cette statuette avait appartenu à la comtesse de Greffulhe, qui inspira à Marcel Proust l’héroïne de la Duchesse de Guermantes. Ce talisman l’accompagna toute sa vie.
À la fermeture de la prestigieuse Maison de Cristóbal Balenciaga en 1968, Alaïa recueillit des chefs-d’œuvre de coupe qu’il ne pouvait supporter de voir disparaître. Il en reçut une véritable responsabilité d’ordre patrimonial et c’est ainsi qu’il commença sa collection de pièces de grands noms de la mode, passés ou récents. Il fut en outre le premier à collectionner les pièces du designer Jean Prouvé. Alaïa deviendra également un collectionneur majeur, si ce n’est le plus important, du travail d’Adrian, peu représenté dans les musées français. La collection constituée par Alaïa, de plus de 150 pièces, est une représentation fidèle de toutes les facettes du couturier hollywoodien.
Un monsieur m'a envoyé une très longue lettre qui disait : Monsieur, j'ai la plus grande collection du travail d'Adrian, et j'aimerais vendre cette collection. Je pense que vous êtes le seul à pouvoir la comprendre. Je suis prêt à vous en donner un bon prix. Il m'a invité chez lui à Philadelphie. Il y avait des piles de photographies, de peintures, de dessins, de costumes et une cave remplie de vêtements, peut-être 500 pièces. J'ai regardé et vu des tenues faites pour Garbo, Marlène, avec leurs noms cousus, et je me suis dit qu'il fallait absolument empêcher que tout cela puisse être dispersé... Azzedine Alaïa
Créateur de costumes et couturier, Adrian était admiré par Azzedine Alaïa pour ses constructions techniques sophistiquées, l’esprit de ses créations influencées par la haute couture parisienne, les détails, la coupe, et sa façon de travailler le tissu et de le courber selon son imaginaire fertile. Mais c’est le “Power suit” des années 1940, aux larges épaules et cintré à la taille, pionnier de la révolution des garde-robes des femmes, qui a le plus impressionné le jeune Alaïa. Depuis sa Tunisie natale dans les années 1950, il admirait l’élégance, la force et l’invulnérabilité des femmes parisiennes. L’esthétique Alaïa deviendra plus puissante à partir de cette mémoire. L’art de la sculpture et du modelé, qu’il avait étudié à l’école des Beaux-Arts de Tunis, va contribuer à forger son style personnel.
En 1979, alors qu’il se trouvait dans son atelier de la rue de Bellechasse, une de ses fidèles clientes couture, la baronne Cécile de Rothschild, se présenta avec une amie proche, Greta Garbo. Ce fut une rencontre décisive dans la vie d’Azzedine Alaïa. La recluse Greta Garbo, qui avait porté les costumes d’Adrian dans les années 1940, à la scène comme à la ville, demanda à Alaïa de lui créer un pantalon et un manteau de coupe ample et masculine en cachemire bleu marine. Alaïa parlait souvent de cette rencontre en ces termes : « une femme belle et puissante en chaussures plates ». Il y a quelques années, il put racheter aux enchères le manteau qu’il lui avait confectionné, lors d’une vente célèbre qui suivit la disparition de la Divine.
Partageant de nombreuses affinités avec Adrian dans l’exécution de ses modèles ainsi que dans l’obsession pour la technique au service de l’art de la couture, Azzedine Alaïa passait des nuits entières sur la même veste noire sans jamais être satisfait, à la recherche de la perfection. Formé à la sculpture, il devint le maître de la coupe et de la silhouette, véritable architecte des corps à partir des années 1980.
La collection des maîtres de la Couture assemblée et réunie par Azzedine Alaïa tout au long de sa vie représente l’un des départements les plus importants des archives de l’Association Azzedine Alaïa, aux côtés de ses collections en nom propre.
Cette exposition est une sélection rigoureuse du travail de Gilbert Adrian, amplement collectionné au fil des ans par Azzedine Alaïa. Tous les modèles choisis et voulus par Monsieur Alaïa témoignent de la passion unique et de l’amour qu’il nourrissait pour l’histoire de la mode.
Parallèlement à l’exposition, deux films seront projetés et mettront en lumière les talents d’Adrian et d’Alaïa : “Les femmes”, 1939 - avec les stars Norma Shearer, Joan Crawford, Rosalind Russell, Joan Fontaine, Paulette Goddard, et de nombreuses figurantes habillées par Adrian. “Dangereusement vôtre”, 1985 - un James Bond, pour lequel Azzedine Alaïa a réalisé les costumes de Grace Jones, qui joue le personnage de May Day.
making of de l'exposition adrian et alaïa, l'art du tailleur - vidéo sylvie delpech
adrian et alaïa l'art du tailleur ph. Stéphane Aït Ouarab
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