la vocation d'un virtuose

Azzedine Alaïa dans son atelier, rue de Bellechasse, 1976 PH. Brigitte muus, sipa press

Revue des Deux Mondes – Avant de revenir sur votre parcours, je voudrais vous interroger sur son point de départ : comment l’enfant de Tunis que vous avez été a-t-il décidé de faire de la couture son métier ?

Azzedine Alaïa – L’enfance déclenche beaucoup de choses. J’ai été élevé par ma grand-mère à Tunis. Elle vivait dans un pays musulman, mais elle était libre dans sa tête. Elle refusait que l’on donne une éducation religieuse aux enfants avant l’âge de 7 ans, parce que, disait-elle, « il faut d’abord qu’ils sortent des maladies de l’enfance. Ensuite, ils feront ce qu’ils voudront ». À cette époque, Tunis était une ville où les origines et les confessions cohabitaient harmonieusement. Il y avait des juif séfarades, des Italiens, des Français... C’était vraiment un mélange très heureux. Je ne connaissais ni le mot « racisme » ni le  différences entre les religions.

Une autre femme a joué un rôle très important dans mon enfance : MmePineau, la sage-femme qui m’a mis au monde. C’était une amie de mes grands-parents. Elle habitait le quartier le plus « chaud » de Tunis. Mon grand-père, qui était agent de police, lui avait proposé de l’accompagner quand elle se rendait la nuit au chevet d’une femme. Elle lui avait répondu qu’elle avait mis la moitié des voyous du quartier au monde et qu’elle ne risquait donc rien ! Quand elle voyait dans la rue deux gosses qui se chamaillaient, elle donnait une claque à l’un, pinçait l’oreille de l’autre, et les séparait. J’allais tout le temps chez elle, et j’y dormais le samedi et le dimanche. Il y avait un énorme Christ de bronze au-dessus de mon lit. Et moi, ce Christ, il me faisait peur, alors je lui disais : « Jésus, ne tombe pas sur moi !  » Mme Pineau accouchait les femmes chez elle, dans son petit cabinet. Pendant qu’elle était occupée avec une patiente, je lisais les journaux et les livres qui se trouvaient là : les revues médicales qu’elle recevait, le catalogue de La Redoute, des livres d’art. J’étais fasciné par Vélasquez. Elle me donnait des crayons et je faisais des copies. J’étais curieux : je voulais comprendre comment les femmes tenaient dans ces vêtements et ce qu’il y avait dessous. Par moments, MmePineau m’appelait quand elle était en train d’accoucher une femme pour que je mette de l’eau à chauffer. Un jour, elle m’a tendu un bébé et m’a demandé de bien regarder comment elle coupait et nouait le cordon ombilical pour que je sache le faire si une femme accouchait dans la rue. Avoir un bébé dans les bras m’a fait trembler de peur. Mais j’ai fini par m’habituer : quand j’étais chez elle, je faisais presque l’infirmière. Le dimanche, j’allais à l’église avec Mme Pineau et nous faisions une promenade. J’étais fier de me balader avec elle, parce qu’elle mettait son chapeau de paille, ses petits gants et ses chaussures blanchies avec du blanc de zinc. Elle n’était pas très jolie, mais elle avait quelque chose. Elle préparait notre déjeuner, puis elle prenait le catalogue de La Redoute pour que nous sélectionnions les tenues qu’elle allait commander. Et on choisissait la robe d’été imprimée, les chaussures, les draps, tout ! Quand les paquets arrivaient, je les ouvrais avec elle. Ça, c’était une fête.

Après mon certificat d’études, Mme Pineau m’a inscrit à l’examen d’entrée de l’École des beaux-arts. J’avais 15 ans ; or il fallait en avoir au moins 16 pour être autorisé à passer cet examen. Mais Mme Pineau a dit au directeur que j’avais 16 ans, et qu’elle était bien placée pour le savoir puisqu’elle m’avait mis au monde. J’ai été inscrit, j’ai passé l’examen, et je l’ai eu. Je ne l’ai pas dit à mes parents. Mon père, qui était cultivateur à Siliana, n’aurait pas été d’accord du tout : je crois qu’il m’aurait tué s’il avait su la vérité. Mes grands-parents ont dû l’apprendre un peu plus tard. J’avais besoin d’argent pour acheter le matériel nécessaire à mes études aux Beaux-Arts, mais je ne voulais rien dire à mes grands-parents. Une petite couturière de quartier avait placé une affichette dansla vitrine de sa boutique : elle cherchait quelqu’un pour faire des finitions. À cette époque, ma sœur était élève à Notre-Dame-de-Sion. Elle devait faire des échantillons de couture avec différents points – point de Paris, point turc, point de croix, point de surfil... – avant de les mettre en page dans son cahier. Mais elle détestait la couture. C’est donc moi qui faisais son cahier : je repassais les échantillons et je faisais la mise en page. Et du coup, elle avait de bonnes notes ! Je trouvais les sœurs de Sion extrêmement belles avec leur cornette et leur habit blanc. Seuls leurs pieds étaient bronzés dans leurs sandales : on aurait dit qu’elles portaient des chaussettes. Je trouvais joli le mouvement de leur robe qui bougeait et de la croix qui se balançait au bout de leur ceinture. Elles avaient une démarche un peu rapide qui leur donnait l’air de flotter. C’est peut-être ça qui m’a donné envie de me consacrer à la mode. Je faisais donc de petits travaux pour cette couturière, mais je lui disais que c’était ma sœur qui cousait. Le soir, quand je ramenais une robe, ma sœur et moi nous installions sur notre lit et nous mettions au travail. Nous étions très peu payés.

Deux jeunes filles de la grande bourgeoisie tunisienne habitaient le palais qui se trouvait en face de la boutique de cette couturière. Elles me voyaient régulièrement entrer et sortir avec mon carton à dessin sous le bras. Un jour, elles m’ont appelé de leur balcon. On m’a ouvert. Je suis monté au premier étage. Les deux sœurs étaient impeccablement habillées et coiffées. « Oh ! me suis-je dit, qu’elles sont mignonnes ! » Avec elles, j’ai découvert un autre univers : ces jeunes filles étaient aussi modernes que les femmes que j’ai rencontrées à mon arrivée à Paris. Elles m’ont demandé ce que je faisais chez cette couturière. Je leur ai raconté toute l’histoire. Elles ont immédiatement appelé une de leurs cousines qui était la femme d’un ministre important et s’habillait chez Mme Richard, une couturière réputée de Tunis qui faisait des copies de créations parisiennes. Elles lui ont dit qu’elles avaient rencontré un Tunisien de 16 ans qui s’intéressait à la couture. Dès le lendemain, cette cousine m’a fait venir dans sa villa de l’élégant quartier du Belvédère et m’a promis de m’emmener chez Mme Richard. C’est comme cela que je suis arrivé dans son atelier. Son mari, qui était peintre, affirmait que je devais rester à l’École des beaux-arts et voulait que je l’accompagne quand il allait peindre des natures mortes. Je détestais ça ! Je passais une partie de la journée avec sa femme et une partie avec lui, jusqu’à ce que Mme Richard lui dise qu’il fallait que je consacre tout mon temps à l’apprentissage de la couture. Puis Habiba Menchari – la mère de Leïla Menchari, qui est devenue la directrice artistique des vitrines de Hermès – a appris ce que je faisais et m’a dit que je devais compléter ma formation à Paris. Elle a demandé à l’une de ses amies qui s’habillait chez Dior de m’aider à m’y faire engager. Je suis entré chez Dior, mais j’ai été renvoyé au bout de cinq jours.

Revue des Deux Mondes – Votre aventure parisienne n’a pas commencé sous les meilleurs auspices ! Qu’avez-vous fait après avoir été renvoyé de chez Dior ?

Azzedine Alaïa – J’ai rencontré la comtesse de Blégiers, qui m’a proposé de m’héberger. Je travaillais dans une chambre de bonne et je m’occupais de ses enfants. J’ai ensuite passé deux ans chez Guy Laroche avant de me mettre à mon compte. Je me suis d’abord installé rue des Marronniers, dans le XVIe arrondissement, puis rue de Bellechasse, dans le VIIe. Ma clientèle était aussi celle de Dior et de Saint Laurent. Il y avait parfois trois ou quatre Rolls devant la porte ! Dans les 140 mètres carrés de l’appartement que j’occupais rue de Bellechasse se trouvaient mon logement, mon atelier et le salon où je recevais les clientes. À la fin des années soixante, j’avais dix-huit ouvrières et deux secondes d’atelier qui avaient travaillé pour Balenciaga avant qu’il ne ferme sa maison.

Revue des Deux Mondes – Après votre arrivée à Paris, vous avez fait des rencontres étonnantes. Quel souvenir gardez-vous des femmes de légende qui sont entrées dans votre vie à cette époque ?

Azzedine Alaïa – J’ai rencontré Louise de Vilmorin chez Simone Zehrfuss, la femme de l’architecte Bernard Zehrfuss. Elle est devenue une véritable amie. Je passais les samedis et les dimanches à Verrières-le-Buisson, et elle venait tout le temps chez moi. Avec elle, j’ai appris ce qu’étaient l’élégance et le style. Puis j’ai rencontré Arletty. Frédéric Somigli, son coiffeur, était l’un de mes amis. Un soir, il devait venir dîner rue des Marronniers. À peine arrivé, il m’a annoncé qu’il devait aller coiffer Arletty, qui jouait l’Étouffe-chrétien de Félicien Marceau. Deux jours plus tôt, j’avais vu Hôtel du Nord au Ranelagh. J’avais été fasciné par sa silhouette et par cette robe qu’elle zippait. J’ai demandé à Frédéric si je pouvais l’accompagner, et il a accepté. Nous arrivons au théâtre, nous entrons, et il dit à Arletty : « Je vous présente mon ami Azzedine, qui est couturier. » Elle se retourne, me regarde, et demande : « Comment vous appelez-vous ? » Je lui réponds : « Azzedine Alaïa. » « Vous savez que vous avez un très joli nom ? Et il va aller loin, ce nom. Il commence par deux A. C’est un nom d’affiche. Regardez : Brigitte Bardot, BB. En plus, c’est la première lettre de l’alphabet. Il y a des noms magiques. » Et, après m’avoir observé, elle a dit à Frédéric : « Il est petit, mais quand on le voit une fois, on ne l’oublie pas ! » Elle m’a demandé de venir la voir chez elle, rue Raynouard, à deux pas de la rue des Marronniers. Et elle m’a commandé un tailleur rose parce que, disait-elle, « ça donne bonne mine ». Elle affirmait qu’au-delà d’un certain âge, les femmes devaient porter du rose et du blanc. Je l’ai habillée plusieurs fois et nous sommes restés très liés jusqu’à la fin de sa vie. Un soir, Arletty et Louise de Vilmorin sont toutes les deux venues dîner chez moi. La confrontation de ces deux femmes intelligentes, aux formes d’esprit et aux styles si différents, a été un moment fantastique. Dans les années quatre-vingt, j’ai par ailleurs rencontré Carla Sozzani, une femme étonnante qui m’a accompagné dans toute la suite de ma carrière jusqu’à aujourd’hui. Elle est ma plus fidèle amie. Je souhaite à tous les jeunes designers de faire des rencontres comme celles-là.

Revue des Deux Mondes – Vous avez habillé une autre très grande actrice : Greta Garbo...

Azzedine Alaïa – Oui. C’est Cécile de Rothschild qui l’a amenée chez moi. Là aussi, il y a eu une coïncidence troublante. J’étais allé voir la Reine Christine à la Pagode, et le lendemain, Garbo était assise sur mon canapé. Elle me regardait par-dessous sa frange et elle souriait. Je lui ai fait plusieurs manteaux, des pantalons et de petites tuniques en jersey avec des cols très montants et des manches longues. Lors de la vente aux enchères de ses effets personnels organisée à Los Angeles en décembre 2012, j’ai acheté un des manteaux que j’avais faits pour elle. Une de mes amies m’avait signalé que le catalogue comportait une photo d’un manteau accompagnée de la mention « Alaïa-Garbo ». Il était resté impeccable. On aurait dit qu’il n’avait pas été porté : or je sais qu’il l’a été. J’ai également acheté un pantalon, mais la griffe avait été enlevée.

Revue des Deux Mondes – En 1979, vous présentez votre première collection sous votre nom. Après avoir travaillé pendant une vingtaine d’années dans une grande discrétion, vous apparaissez en pleine lumière. Qu’a changé pour vous la création de votre griffe ?

Azzedine Alaïa – Ma première collection date effectivement de 1979. Nous l’avons présentée, nous l’avons vendue, et le défilé a eu lieu en 1981 chez Bergdorf Goodman. Avant cette première collection, j’avais déjà une maison de couture. Nous manquions toujours de temps pour réaliser les commandes, nous y passions des nuits entières. C’était une période très joyeuse.

Après le lancement de ma première collection, la presse a commencé à s’intéresser à moi. Michel Cressole a fait paraître un article important dans Libération, et Nicole Crassat a publié les premières photos de mes modèles dans le magazine Elle. Nicole Crassat, Brigitte Langevin et Carlyne Cerf, qui travaillaient pour Elle, avaient vu rue de Bellechasse quelques vêtements que j’avais faits pour Louis Jourdan : un manteau de cuir perforé, un tailleur de cuir, des jupes drapées... Louis Jourdan les avait finalement refusés parce qu’il pensait qu’il aurait du mal à les commercialiser. Les rédactrices de Elle m’ont demandé de leur prêter ces vêtements pour qu’elles puissent les porter durant la présentation des collections. Nicole  Crassat avait un tailleur de cuir, Brigitte Langevin une robe zippée, et Carlyne Cerf une robe en jersey ainsi qu’une ceinture drapée en cuir clouté. La styliste Lison Bonfils portait quant à elle une jupe de mousseline perforée et des gants à œillets. Bill Cunningham les a photographiées dans la rue et pendant la soirée organisée au Palace. Après être retourné à New York, il a publié ces photos sur une double page du Women’s Wear Daily: ces modèles, a-t-il écrit, annonçaient la tendance de la mode pour les dix années à venir. C’est à ce moment-là que tout s’est déclenché : les acheteurs des grands magasins américains sont arrivés immédiatement. Bergdorf Goodman m’a envoyé une lettre pour me proposer de venir défiler à New York. J’ai cru que Thierry Mugler me faisait une blague. Claude Montana et lui avaient défilé à New York avec quarante mannequins et deux à trois cents modèles. Mais moi, je n’avais que dix modèles ! Je n’ai donc pas répondu à cette lettre. Bergdorf Goodman m’a ensuite envoyé un télégramme, auquel je n’ai pas répondu non plus. La créatrice de chaussures Maud Frizon est venue me voir et m’a dit que Bergdorf Goodman s’étonnait de mon silence. « Oh mon Dieu, ai-je pensé, j’ai fait une connerie ! ». J’ai téléphoné à Mugler, qui m’a dit : « Tu es malade ? Surtout, fais-le ! » « Mais je n’ai que dix modèles ! », ai-je répliqué. « Ça n’a aucune importance, m’a répondu Mugler. Tu as deux ou trois mois devant toi : tu peux ajouter quelques robes. » J’ai fini par me dire : « Allez, je m’en fous. Je ne suis pas connu en Amérique. S’ils me massacrent, je prends l’avion et je reviens avec mes robes. » J’ai donc commencé à préparer le défilé. Mugler m’a promis de m’envoyer les noms des plus beaux mannequins de New York et de m’aider pour le booking. Maud Frizon a fait les chaussures. Lison Bonfils m’a emmené chez une fabricante italienne de maille avec laquelle j’ai fait quelques pièces pour ce défilé : un pull blanc, des pulls noirs, une robe taupe qui était portée sous un manteau de mouton. J’ai repensé à la formule d’Arletty, qui se disait « vierge de toute décoration ». J’ai donc décidé qu’il n’y aurait ni accessoires ni bijoux. Et j’ai fait une silhouette parisienne. À ma grande surprise, le défilé a eu beaucoup de succès. J’ai été soutenu par les journalistes de mode – et jusqu’à présent, ce soutien ne s’est jamais démenti. Je ne fais pas de publicité : je suis donc totalement indépendant de la presse, et les journalistes sont libres d’écrire ce qu’ils veulent.

Revue des Deux Mondes – Vous êtes connu pour votre usage extrêmement créatif de matières que l’on ne s’attend pas nécessairement à voir dans une collection de couture. Il peut s’agir de matériaux précieux, telle cette peau de crocodile dont vous avez fait le dos d’une queue-de-pie, comme de matériaux infiniment moins nobles : le raphia, la laine bouillie... Comment avez-vous acquis cet éclectisme ?

Azzedine Alaïa – Je l’ai acquis progressivement. Quand j’ai commencé à travailler avec la fabricante de maille dont je vous ai parlé, je ne savais pas ce qu’allaient donner les fils qu’elle me montrait. Nous avons d’abord fait des essais. La technicienne faisait un point puis un autre. Je regardais le résultat, puis je lui demandais de faire un peu plus serré ici, un peu moins là, d’essayer de reproduire l’aspect d’un tissu... Elle ne parlait pas le français et je ne parle pas l’italien : je ne pouvais rien lui dire d’autre que « così, così ». Dans les premiers temps, cette fabricante ne pouvait pas travailler pour moi parce que je n’avais pas de commandes suffisamment importantes à lui passer. Mais après le défilé de New York, des commandes énormes sont arrivées. Nous avons alors eu les moyens de faire davantage d’échantillons et de tests de couleurs. Comme je n’avais pas appris la couture dans une école ou dans une maison, je ne savais pas comment on préparait une gamme de couleurs : je ne savais même pas ce que c’était. Quand on m’a demandé si j’avais « fait la gamme » , je n’ai pas compris de quoi il s’agissait. Je regardais les couleurs et j’associais celles qui allaient ensemble. Au début, je me débarrassais des couleurs : je ne voulais que du noir. Le noir est pour moi la couleur la plus importante. C’est celle par laquelle je commence quand je crée un modèle : elle permet de mieux faire apparaître une silhouette.

Revue des Deux Mondes – Lorsque vous créez un vêtement, partez-vous de la matière ou d’un dessin ?

Azzedine Alaïa – J’ai besoin de la matière : c’est en partant d’elle que je découvre la forme que prendra le vêtement. Quand j’ai une idée, je fais un dessin pour ne pas l’oublier. Mais mon travail commence vraiment sur le mannequin : le Stockman d’abord, puis, très vite, une fille. Et je veux qu’elle marche quand j’essaie le vêtement sur elle : cela me permet de mieux voir comment le tissu bouge et comment il épouse la forme du corps. Une robe doit tenir le corps de la femme qui la porte.

Quand une femme entre quelque part, c’est elle qu’on doit remarquer en premier, pas sa robe. Les femmes sont incroyablement malines : même si elles portent la plus belle des robes, elles vont essayer de la dominer. Je préfère donc les aider! Lorsque je crée un vêtement, je pense aux femmes qui vont le porter : comment il peut leur être utile, comment il peut leur remonter le moral. Une femme qui déteste sa robe ne se sentira pas bien et ratera tout ce qu’elle entreprendra. Les femmes disent souvent qu’elles ne peuvent pas porter un vêtement parce qu’elles ne sont pas assez jeunes ou pas assez minces : ça, je l’entends tout le temps ! Il faut leur donner confiance en leur proposant des vêtements qui suivent la ligne de leur corps.

Moi, on ne me fera pas porter un costume : j’en mourrais. Avec une chemise fermée, j’étouffe. Depuis des années, je porte du matin au soir un costume chinois noir. Je n’en changerai plus : je ne me demande pas s’il me va bien ou pas, je m’oublie, et je peux concentrer toute mon attention sur mon travail.

Revue des Deux Mondes – Vous avez étudié la sculpture à l’École des beaux-arts de Tunis. Votre manière de travailler a-t-elle été influencée par cette formation ?

Azzedine Alaïa – Sûrement. Je n’ai pas fait d’école de mode ou d’école de coupe. J’ai vraiment appris mon métier à l’instinct, en essayant les vêtements sur les femmes. Durant les cinq jours que j’ai passés chez Dior, j’ai vu comment faire un bâti, entoiler un tissu, picoter les revers d’une veste.

Bien que je sois resté peu de temps à l’École des beaux-arts, la sculpture m’a donné une connaissance de l’anatomie. Nous devions faire des moulages en terre glaise et des copies de modèles : des pieds, des mains... J’ai notamment fait un cheval, que j’ai toujours. Un de nos professeurs nous avait demandé de descendre dans la salle des plâtres, d’en choisir un et d’en faire une copie. Je suis descendu et j’ai vu un buste de Mme de Pompadour. Je l’ai trouvée si belle, avec sa coiffure et son décolleté ! Mon professeur s’est un peu moqué de moi. J’adore Mme de Pompadour : c’est ma favorite. Elle m’a suivi tout au long de ma vie. Depuis une vingtaine d’années, ma maison est installée au 7 rue de Moussy, dans le Marais. Un jour, en lisant un article du Figaro portant sur l’histoire du quartier, j’ai découvert que le père de Mme de Pompadour, François Poisson, louait  l’ancien hôtel des évêques de Beauvais, situé à l’emplacement du 7 rue de Moussy. Elle y a vécu quand elle était enfant et son frère y est né. Donc ici, vous êtes chez elle !

Revue des Deux Mondes – Vous rendez régulièrement hommage aux couturiers dont l’œuvre nourrit votre inspiration : Cristóbal Balenciaga, dont vous avez littéralement décortiqué le travail, mais aussi Madeleine Vionnet. Comment avez-vous découvert son existence à une époque où elle était presque oubliée ?

Azzedine Alaïa – Madeleine Vionnet reste encore peu connue du grand public, alors que c’est la plus grande créatrice de l’histoire de la mode. À l’époque où je travaillais rue de Bellechasse, je ne la connaissais pas du tout. Personne ne parlait d’elle. Je l’ai vraiment découverte par hasard. Un jour, je faisais essayer un vêtement à une cliente dans sa chambre. Il y avait sur sa table de nuit la photo d’une femme aux cheveux courts vêtue d’une robe du soir. On aurait dit une robe de Rei Kawakubo, la créatrice de Comme des Garçons. Je lui dis : « Mon Dieu, qu’elle est belle, votre amie ! » Et la cliente me répond : « Alaïa, c’est ma mère ! Je garde cette photo en souvenir d’elle. Elle devait porter cette robe de Madeleine Vionnet lors d’une soirée, mais elle n’arrivait pas à la fermer. Mon père était furieux parce qu’ils étaient en retard. Il a voulu prendre la voiture pour partir le premier, mais ma mère avait envoyé le chauffeur chercher une collaboratrice de la maison Vionnet pour l’aider à s’habiller. C’était en réalité très facile, mais il fallait savoir comment faire. »

À la même époque, qui était celle de mes premiers défilés, le mensuel Jardin des modes a voulu photographier l’une de mes jupes. Elle était en daim mou et se drapait. Mais chaque fois que je la fermais, elle faisait un autre drapé. Cette jupe était sortie trois fois pour être photographiée, mais elle ne l’avait jamais été parce que personne n’arrivait à la fermer. La rédactrice de Jardin des modes voulait la présenter à côté d’un modèle Comme des Garçons et d’une création d’Issey Miyake: trois drapés. Je lui ai proposé d’ajouter une robe de Madeleine Vionnet pour mettre en évidence l’inspiration de ces drapés et rendre hommage à cette femme. Je connaissais Yvonne Deslandres, la conservatrice de l’Union française des arts du costume. Je lui ai demandé de me montrer les robes de Madeleine Vionnet qui se trouvent à présent aux Arts décoratifs. Nous avons cherché pendant un certain temps la robe à laquelle je pensais, avant de trouver quelque chose de blanc qui y ressemblait. Yvonne Deslandres avait d’abord pensé qu’il s’agissait d’une robe inachevée. Mais elle a retrouvé dans les dossiers de Madeleine Vionnet une photo de cette robe prise devant un miroir à trois faces : on voyait le dos, le devant et le côté. C’était très novateur pour l’époque ! Il nous a fallu cinq heures pour fermer la robe en nous aidant de cette photo. Quand nous y sommes arrivés, j’ai jubilé de bonheur. Elle a été photographiée sur un mannequin, de même que la jupe de daim que j’avais apportée et les modèles de Comme des Garçons et d’Issey Miyake. À partir du moment où ces photos ont été publiées, tout le monde a commencé à s’intéresser à Madeleine Vionnet.

Revue des Deux Mondes – La grande innovation de Madeleine Vionnet, c’était la coupe en biais ?

Azzedine Alaïa – On parle toujours de la coupe en biais à son propos, mais il y a bien d’autres choses. Elle était très influencée par la sculpture antique. Madame Grès partageait cette inspiration, mais ses drapés étaient constitués de plis composés. Les drapés de Madeleine Vionnet étaient plus libres. Sa période d’activité recouvre celle de Chanel, mais ces deux femmes appartenaient à des univers totalement différents. Madeleine Vionnet était une créatrice, alors que Chanel était une styliste. Chanel a créé son style à partir d’éléments qui existaient déjà : elle avait le chic d’arranger les vêtements. Madeleine Vionnet a apporté à la mode quelque chose de nouveau, notamment en matière de coupe.

C’est aussi le cas de Balenciaga. J’ai récupéré certaines de ses créations après la fermeture de sa maison : la directrice, qui était la tante de l’une de mes vendeuses, m’a proposé de venir voir ce qu’il y avait et m’a dit qu’elle me ferait des prix intéressants. Je suis revenu avec deux sacs poubelles pleins. J’avais notamment acheté deux robes du soir de 1955. Un jour, ma seconde d’atelier, qui venait de chez Balenciaga, a pris une de ces robes et s’est servi du tissu pour toiler un manteau de panthère : elle trouvait que cette matière conviendrait bien. Quand je suis rentré, j’ai vu le bustier coupé. Je me suis alors rendu compte qu’on n’avait pas le droit de faire ça. Des clientes m’apportaient des robes Balenciaga pour que je les raccourcisse : je leur proposais de les échanger contre des vêtements que je ferais pour elles. J’ai pris conscience à ce moment-là du patrimoine que constituait la mode : il faut permettre aux jeunes de découvrir le travail et la technique de ceux qui les ont précédés. C’est ainsi que j’ai commencé à collectionner de créations de mode, mais aussi de peinture et de design. J’ai également contribué à la conception et, pour partie, à la réalisation de la collection du musée de la Mode de Marseille. J’ai le projet de créer une fondation qui abriterait ma collection et mes propres archives. Mais il est très compliqué de créer une fondation en France.

Revue des Deux Mondes – Vous avez souhaité que cette fondation aide « aussi les jeunes, parce qu’ils n’apprennent plus à coudre à l’école, seulement à dessiner » . Les élèves des écoles de couture n’apprennent donc plus les bases de ce métier ?

Azzedine Alaïa – Il y a eu une période durant  laquelle les jeunes n’avaient pas envie de travailler dans les ateliers : ce n’était pas bien vu. Ils voulaient tous devenir dessinateurs ou stylistes. Mais les choses sont en train de changer : je le constate avec les élèves d’écoles de couture qui font des stages chez nous. Il est plus facile de diriger un atelier quand on connaît la coupe et le travail du vêtement. Ceux qui n’ont pas ces compétences ont besoin de s’appuyer sur une directrice technique ou une première d’atelier. Cela n’enlève rien à leur talent, mais cela les rend plus dépendants de leurs collaborateurs. Et des gens qualifiés sur lesquels on peut se reposer, il n’y en a pas des milliers.

Revue des Deux Mondes – Comment sont formés les ouvriers et les ouvrières qui travaillent dans les maisons de couture ?

Azzedine Alaïa – Ils étudient dans des écoles de couture et complètent leur formation par des stages. Chaque maison de couture a une technique et un style différents. C’est moins vrai aujourd’hui que cela ne l’était naguère : on peut identifier la maison d’origine d’un vêtement des années cinquante à la façon dont il est fait techniquement. Le prêt-à-porter a par ailleurs beaucoup évolué. L’industrie textile dispose de machines de plus en plus perfectionnées. On peut avoir à présent des pièces de prêt-à-porter d’une qualité équivalente à la haute couture. Certaines choses sont même mieux faites en prêt-à-porter qu’en haute couture. C’est le cas de la maille. Auparavant, on faisait pour les clientes de petits pulls et des marinières en jersey. Aujourd’hui, les machines permettent de faire des articles en maille vraiment fantastiques. Le niveau des techniciennes est devenu plus élevé. Une de celles avec lesquelles je travaille en Italie est un authentique bijou. Je lui donne une robe avec des pinces pour lui montrer ce que je cherche, et elle l’obtient en programmant sa machine : elle sait combien de points elle doit retirer à un endroit et ajouter à un autre pour atteindre ce résultat. Une fois que le programme a été conçu, le modèle est reproductible à l’infini et pour  l’éternité. Ce sont les matières qui changent : il faut modifier le vêtement en fonction des matières disponibles.

Au fil du temps, les couleurs des vêtements évoluent et les matières vieillissent. C’est particulièrement vrai des matières synthétiques. J’avais fait des imperméables dans une matière proche de la cellophane. Ils étaient beaux, mais ça n’a pas duré: quand je les sors, ils tombent en miettes. Ces pièces doivent être conservées à plat, dans certaines conditions de température et d’hygrométrie. Mais seuls des musées peuvent assumer les coûts de ces méthodes de conservation. Pour l’exposition au Palais Galliera, j’ai non seulement dû nettoyer les vêtements, mais aussi consolider des coutures et revoir certaines choses. Il m’arrive de refaire des pièces qui ont été trop souvent portées pour des séances de photo ou qui n’ont pas été stockées dans de bonnes conditions.

Revue des Deux Mondes – Vous dites souvent que vous essayez de faire des vêtements qui vieillissent bien. « La seule chose qui m’intéresse », avez-vous déclaré, « c’est que le vêtement soit intemporel. [...] Quand le vêtement est beau, il n’est jamais daté » . Votre souci du corps féminin vous tient-il éloigné de l’aspect éphémère de la mode ?

Azzedine Alaïa – Absolument. Les techniques et les matériaux évoluent, bien évidemment. Mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’idée selon laquelle la mode se démode. Une robe du XVIIIe siècle n’est pas démodée : elle reste belle et intéressante. Je cherche à comprendre comment elle a été faite et combien d’heures de travail ont été nécessaires : pour certaines pièces, c’était énorme.

Je reste fidèle à ma ligne, qui est de créer des vêtements beaux et durables. Je n’ai par exemple jamais fait de collection inspirée d’un pays ou d’un mouvement artistique : mes sources d’inspiration n’apparaissent pas de façon évidente dans mes vêtements.

Revue des Deux Mondes – Comment expliquez-vous que vos créations, qui sont très étroitement liées à votre personnalité, soient admirées et portées par des femmes du monde entier ?

Azzedine Alaïa –  Quand je crée un vêtement, je ne cherche pas à affirmer un style ou à faire quelque chose qui me plaise : je pense aux femmes qui vont le porter. Elles sont ma préoccupation première. Je refuse par exemple de mettre en boutique des vêtements trop sophistiqués : le prêt-à-porter doit être facile à porter.

Les femmes se ressemblent de plus en plus : elles voyagent, elles sont au courant de tout ce qui se passe, elles parlent le même langage, elles s’habillent de la même manière. Il reste bien sûr des différences : un petit chic parisien, une certaine sophistication new-yorkaise, une recherche stylistique dans les pays arabes. Mais rien de tout cela n’est très marquant. La mode est devenue plus universelle.

Revue des Deux Mondes – Vous présentez vos collections en dehors du calendrier officiel. Est-il exact que vous n’avez jamais vraiment adhéré à la Chambre syndicale de la haute couture ?

Azzedine Alaïa – Oui : j’en suis simplement « membre correspondant » depuis 2011. Je n’ai pas envie de faire une collection de haute couture, parce que cela me prendrait beaucoup de temps et que je serais obligé d’annuler une collection de prêt-à-porter. Je prépare quatre collections de prêt-à-porter par an, c’est déjà très lourd. La durée de vie des vêtements en magasin est devenue extrêmement courte. C’est ce qui me dérange le plus dans le fonctionnement contemporain de la mode. Ce rythme frénétique rend la mode moins créative et plus industrielle. Or la mode et l’industrie sont deux mondes différents.

Nous faisons de la haute couture, mais uniquement sur commande. Très peu de femmes peuvent s’en offrir. Elles commandent presque exclusivement des robes du soir ou de mariage. Ce sont des pièces exceptionnelles, dont on ne trouve pas l’équivalent en prêt-à-porter. J’en ai conçu plusieurs pour l’exposition qui a eu lieu au Palais Galliera. Les robes qui ont été présentées à cette occasion dans la salle Matisse du musée d’Art moderne de la Ville de Paris ne sont pas faciles à porter, notamment parce qu’elles sont très volumineuses. Il y avait beaucoup de prêt-à-porter dans cette exposition. Mais sa technique s’est tellement perfectionnée qu’on ne parvient souvent plus à distinguer les pièces de prêt-à-porter des créations de haute couture.

Revue des Deux Mondes – Vous avez dit que vous trouviez le nouveau rythme de la mode effrayant : « En m’opposant au rythme superficiel des saisons et des défilés, j’ai été l’un des seuls à oser rompre avec ce calendrier astreignant qui privilégie le rendement au détriment de la création. Je suis entré dans la mode par et pour le vêtement et non par avidité médiatique. » Comment avez-vous réussi à exister dans l’univers de la mode tout en vous préservant de ce rythme frénétique ?

Azzedine Alaïa – L’année dernière, j’ai voulu présenter les « intemporels » en même temps que la grande collection. J’étais en train de préparer l’exposition du Palais Galliera. Olivier Saillard avait misé sur moi pour la réouverture du musée de la Mode de la Ville de Paris, et je ne pouvais pas le décevoir. Or il fallait créer des modèles pour la salle Matisse. J’ai passé tout le mois d’août à préparer les mannequins. J’ai donc dû faire un choix : j’ai décidé de mettre en vente les « intemporels » en même temps que la grande collection. Tout le monde m’a dit que nous allions perdre de l’argent. Eh bien, c’est faux : nous avons fait le même chiffre d’affaires avec moins de clients. Le respect du calendrier des collections n’est donc pas indispensable au bon fonctionnement d’une maison. Et le rythme qu’il impose est épuisant pour les stylistes. On leur demande d’avoir un nombre inouï d’idées par an. J’ai dit un jour que quand j’ai une idée dans l’année, je suis comme un cow-boy avec son lasso : je suis heureux de réussir à l’attraper. Mais j’en ai une, pas deux ou dix. Et parfois, elle est boiteuse. Mon rythme de travail est frénétique, mais c’est moi qui le choisis. Je préférerais arrêter plutôt que de me plier à des obligations. Je pourrais même exercer un autre métier – mais je continuerais à faire des robes...

Le modèle économique de ma maison m’autorise à conserver une certaine liberté. Le groupe Richemont en est à présent propriétaire. Un créateur de mode ne peut plus guère travailler sans l’appui d’un groupe industriel. Quand j’ai commencé, c’était encore possible. Je faisais tout dans un appartement de 140 mètres carrés, j’achetais les tissus au marché Saint-Pierre, on bricolait... Aujourd’hui, les contraintes sont beaucoup plus fortes. Pour convaincre une usine de produire des vêtements, il faut que les quantités commandées soient suffisamment importantes. Les tissus doivent être commandés un ou deux ans à l’avance. Tout cela exige des moyens financiers qu’un débutant n’a pas. Et on ne lui laisserait pas le temps de travailler comme je le fais. Il est difficile pour de jeunes stylistes de réaliser autant de collections chaque année. Un bon nombre d’entre eux se droguent pour tenir debout et finissent par péter les plombs. Auparavant, il y avait deux collections par an : printemps-été et automne-hiver. À présent, les magasins soldent fréquemment des vêtements qui viennent tout juste de leur être livrés afin de faire de la place pour la collection suivante. C’est aberrant. Moi, je solde uniquement quelques pièces des saisons passées qui sont proposées dans une petite boutique annexe : cela permet à des femmes qui ont peu de moyens de s’offrir une de mes créations. Mais les vêtements d’une saison donnée ne sont pas soldés pendant au moins un an. Et lorsqu’il m’arrive de laisser en boutique des pièces qui ont plusieurs années, des clientes les achètent. Quand un fourreau est réussi, on ne fera pas mieux l’année d’après ! Changer la forme des manches pour dire que c’est un nouveau modèle, ça n’a pas de sens.

Revue des Deux Mondes – En les débarrassant de leur corset, Chanel a libéré les femmes. Yves Saint Laurent leur a donné le pouvoir : il a adapté pour elles les éléments du vestiaire masculin. Que voulez-vous leur apporter ?

Azzedine Alaïa – J’essaie de leur rendre du pouvoir sur elles-mêmes. J’aime que les femmes me disent que mon travail leur plaît parce qu’elles sentent que je pense à elles. Être entouré de femmes est très important pour un créateur de mode : cela lui permet de mieux comprendre leurs préoccupations. Je vois bien que les femmes ont des hauts et des bas. S’acheter un vêtement leur permet souvent de se remonter le moral. Une femme ne doit pas baisser les bras, même quand elle est malheureuse. Il faut qu’elle continue à veiller à sa façon de s’habiller, ne serait-ce que pour laisser de jolis souvenirs à ses enfants. J’ai gardé en mémoire les formes et les couleurs des tenues que portait ma mère les jours de fête.

En aidant les femmes à se sentir belles, j’essaie de leur donner confiance en elles. J’adorerais qu’une jeune femme trouve un fiancé chaque fois qu’elle porte une de mes robes.

Revue des Deux Mondes – Si elle trouve chaque fois un nouveau fiancé, cela risque de poser des problèmes !

Azzedine Alaïa – Ça ne fait rien. Elle aura au moins créé un événement !